Il pleuvait, il pleuvait sur Strasbourg.
J’attendais mes élèves qui allaient arriver l’un après l’autre, mouillés, en s’égouttant, en appréciant la salle accueillante, chaleureuse et lumineuse de la paroisse Sainte-Aurélie, mise à la disposition des migrants comme le font d’autres paroisses protestantes de Strasbourg.
Il me venait en mémoire le poème de Prévert :
« Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Epanouie, ravie, ruisselante sous la pluie
Rappelle-toi, Barbara
Oh Barbara, quelle connerie la guerre… »
J’ai récité le poème à mes élèves, je l’ai écrit au tableau, ils l’ont lu, relu et commençaient à le retenir, et leur visage faisait sourire les [i].
Le mardi suivant, je les attendais encore.
Comme toujours, Sief est arrivé avant l’heure. Avec tous les drames du Soudan, il a apporté ici à Strasbourg un sourire éclatant et une belle amabilité communicative.
« Te voilà Sief, comme Barbara, souriant… épanoui, ravi…
– Pas moi, aujourd’hui, mais ma pomme. »
Et il m’a tendu au bout de ses doigts une pomme, grosse, brillante, éclatante, rutilante.
« Elle était chère, chère,… mais j’ai pas pu résister. »
C’était vraiment une pomme de prix, à 6 € le kg, irrésistiblement attirante chez le marchand du quartier.
Et le voilà qui se dirige vers le coin cuisine de la salle de cours, un petit chez-soi pour mes réfugiés quand on n’a plus rien à soi.
Il ne branche pas la bouilloire, il ne s’empare pas de la boîte de cappuccino, ni des dosettes de thé Max Havelaar… il prend un couteau et découpe la belle pomme en quartiers… Et il va déposer chaque quartier sur la table, à la place respective de ses camarades qui vont venir.
De Micheline
Pour Sief