Histoire

 

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Historique

Du 1er au 4ème siècle, Strasbourg était une ville de garnison romaine. Les quartiers civils, essentiellement ruraux, se trouvaient à l’extérieur du camp. Ils étaient situés sur un terrain plat, parcouru par les eaux poissonneuses de la Bruche et de l’Ill.
A cette époque, dite gallo-romaine, le christianisme s’est propagé clandestinement dans notre région. Ce n’est qu’au début de l’époque mérovingienne, sous l’impulsion de Clovis (465 – 511), que le culte chrétien a été non plus seulement toléré, mais favorisé.

En 673, saint Arbogast, issu d’une famille franque noble et influente est évêque de Strasbourg.
Il a vécu en ermite dans la forêt de Haguenau, près d’un chêne séculaire, et a également créé une sorte d’ermitage à la Montagne Verte : l’Ile Saint-Arbogast (non loin de la stèle Gutenberg) où il a fait ériger une chapelle.
Décédé en 678, il a été enterré, selon ses désirs, sur la colline où se dressait le gibet de Strasbourg (à l’emplacement de l’actuelle Clinique Sainte-Barbe). Plus tard, on a élevé à cet endroit la chapelle Saint-Michel (d’où le nom de la rue Saint-Michel).

Très vite, vu le nombre croissant de fidèles, la petite chapelle Saint-Michel s’est révélée trop petite. En effet, dès le début du 8ème siècle, des jardiniers-maraîchers se sont établis en grand nombre à cet endroit, et ont fondé le faubourg maraîcher.
Une église plus vaste a alors été construite, selon toute vraisemblance vers le milieu du 8ème siècle. D’abord dédiée à saint Maurice, elle le sera par la suite à sainte Aurélie.
Située à l’Ouest de Strasbourg, cette église a été érigée sur un tumulus (emplacement d’un ancien cimetière) et se trouvait à côté d’une ancienne voie romaine : l’actuel Faubourg National.

Au cours des siècles, l’église a subi de nombreuses transformations et plusieurs destructions. Seule la tour du 12ème siècle subsiste.
-.A la fin du 12ème siècle, l’église a été détruite par les Souabes, et reconstruite en 1219, pour devenir église paroissiale.
-.En 1324 est attestée la première utilisation de l’appellation Sainte-Aurélie.
-.En 1340, par crainte des invasions, on a édifié des fortifications autour de la ville. L’église est alors devenue intra-muros. La population extérieure a été relogée dans l’enceinte de la ville, et le quartier s’est repeuplé très rapidement. Ainsi la paroisse Sainte-Aurélie (c’est à présent son nom définitif) est devenue la plus grande paroisse de Strasbourg, non pas par la richesse, mais par le nombre de ses ouailles. C’est l’avoué J. de Haguenau qui a été chargé de définir les frontières entre les paroisses de Saint-Pierre-le-Jeune et de Sainte-Aurélie.
– En 1471, l’église a été incorporée au Chapitre Saint-Thomas, par l’évêque Henri de Veringen, et, en 1523, la paroisse et le Chapitre sont passés à la Réforme, à quelques voix près.
– En janvier 1524, les paroissiens de Sainte-Aurélie se sont adressés au Magistrat de Strasbourg, pour solliciter la nomination d’un prédicateur de l’Evangile. Sur proposition du Magistrat, les jardiniers ont élu Martin Bucer, le 31 mars 1524. Ce fut le premier pasteur de la paroisse et il y a exercé son ministère jusqu’en 1530, date à laquelle il a été nommé pasteur à Saint-Thomas. Comme Martin Luther, Martin Bucer a enseigné en langue vernaculaire, ce qui a favorisé le passage des idées de la Réforme (le latin, incompréhensible pour la majorité des personnes, était plus que rébarbatif !). Bucer s’est également attaqué à la superstition concernant les guérisons liées du tombeau de sainte Aurélie : de ce fait, en octobre 1524, les maraîchers de la paroisse se sont rués avec rage sur le tombeau de la sainte, en ont retiré les vénérables restes et les ont réduits en cendres.
– Dans la deuxième moitié du 17ème siècle une rénovation générale a été entreprise.
– Mais en 1763, le Conseil Presbytéral a dû se résoudre à faire démolir l’église, l’édifice menaçant ruine ! La démolition (sauf la tour) a été achevée en l’espace de 8 jours !
La première pierre du futur premier Temple adapté au culte protestant a été posée le 18 juillet 1763. Le 28 mai 1765 (mardi de Pentecôte ), sous le règne de Louis XV, la nouvelle église Sainte-Aurélie a été solennellement consacrée au culte protestant. Le document porte la signature de Reiguemorte, successeur du prêteur royal Klinglin.
A l’époque, tout comme aujourd’hui, l’église présentait une vaste salle blanche et or mais l’entrée avait changé de côté, passant de la façade occidentale à celle du nord.
– Pendant la Révolution française, l’église a servi de magasin à fourrage ce qui lui a permis d’échapper à la démolition de 1794.
– En 1806, après la bataille d’Austerlitz, elle a été transformée en hôpital militaire pour les prisonniers russes et autrichiens.
– En juin 1840, une violente pluie de grêle a sérieusement endommagé le côte sud de l’édifice, où se trouvait la chaire.L’église telle qu’elle se présente aujourd’hui est une église du 18ème siècle, de style Louis XV, entre le baroque et le classicisme.
Si le clocher est d’époque romane, la nef a été totalement reconstruite en 1765. De par ses volumes, la nef reste dans la tradition des bâtiments officiels de la Renaissance et du 17ème siècle, avec une façade surmontée d’un vaste pignon à volutes, qui se termine par un petit édicule à fronton curviligne. Les hautes fenêtres à petits carreaux, laissant passer un maximum de lumière, sont encadrées par une arrière-voussure en grès rouge et se détachent sur le crépi plus clair.

Trésors de la tour

 

 

 

L’extérieur

Quelques précisions descriptives

 

Dimensions de l’église

– 29 mètres de long
– 18 mètres de large
– 12 mètres de haut.

 

La tour

Cette ancienne tour du 12ème siècle est l’une des plus vieilles constructions de la ville. Comme toutes les tours situées le long du Rhin, elle a servi de tour de garde pendant la Révolution.

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La cloche

L’église Sainte-Aurélie possède la plus ancienne cloche de Strasbourg : elle porte la date de 1410 et son poids approximatif est de 1220 kg. Elle est dédiée aux quatre évangélistes.
Après la guerre de 1870, deux cloches ont été rajoutées.
Mais lors de la guerre de 1914-1918, elles ont été fondues pour en faire des canons.
Le 19 avril 1964, deux nouvelles cloches ont été consacrées. La grande porte l’inscription suivante : « Sois fidèle jusqu’à la mort, et je te donnerai la couronne de vie », et la petite : « Je suis le cep, vous êtes les sarments ».
( voir en annexe le poème en alsacien : « Glockewej »).

L’horloge

Elle date de 1845 et elle est l’œuvre du célèbre J.B. Schwilgué (1776 – 1856) qui avait auparavant, construit l’horloge astronomique de la cathédrale (de 1838 à 1842).
En 1914, elle a été rénovée par Ungerer et elle a été soumise à une restauration complète en 1963.

L’autel

De style baroque, datant de 1669, il mélange tous les genres. Il est à la fois :
– un autel bloc
– une table avec quatre pieds
– un autel-armoire avec une porte au dos.
Sur la face avant de l’autel, il y a un crucifix avec le corps du Christ. Ce crucifix nous rappelle que, par la mort du Christ, nous avons le pardon des péchés et un chemin ouvert vers Dieu.
Mais Jésus n’est pas resté dans la mort : Il est ressuscité, c’est pourquoi il y a au-dessus de la chaire une croix vide, signe de la Résurrection !

l’intérieur

 

La chaire

De style baroque, elle date de 1670.
Elle est ornée des statues des quatre évangélistes et de leurs symboles :
– l’ange pour Matthieu (la statue semble avoir été abîmée)
– le lion pour Marc
– le taureau pour Luc
– l’aigle pour Jean.

Les quatre figurines, tout en haut de la chaire (deux ont été volées dans les années 80) représentent peut-être des prophètes.

 

 

 

 

 

Sous la chaire, le pélican avec ses petits est comme une illustration de la mort salvatrice de Jésus, un symbole du sacrifice du Christ qui s’est offert jusqu’à la mort pour que ses enfants vivent.
(voir annexe : « Le pélican comme symbole », une étude du pasteur Max Périer)

 

 

 

 

 

 

peintures

Les peintures de la galerie

Au nombre de 23, elles ont été commanditées par Christophe Saun et exécutées par Pierre-Joseph Noël en 1767.
Dans l’ordre, de la gauche (orgue) vers la droite
1. La chute d’Adam et d’Eve
2. Le sacrifice d’Isaac
3. Le serpent d’airain
4. David jouant de la harpe
5. L’hymne à l’Agneau, selon l’Apocalypse de
saint Jean
6. Elie montant au ciel dans un char de feu
7. Jonas et la baleine
8. L’Annonciation
9. La naissance de Jésus
10. Le baptême de Jésus
11. La crucifixion
12. La mise au tombeau
13. La Résurrection (une deuxième Résurrection se
trouve à la droite de la chaire)
14. L’Ascension
15. La Pentecôte
16. Le Jugement Dernier
17. L’arche de Noé
18. L’arc-en-ciel, image de l’Alliance de Dieu
19. L’échelle de Jacob
20. Moïse et les Tables de la Loi
21. Samson et le lion
22. David et Goliath
23. Daniel dans la fosse aux lions

 

La sacristie

On peut y admirer un certain nombre de tableaux :
– une peinture représentant Moïse sauvé des eaux,
– les portraits d’anciens pasteurs de la paroisse ; en particulier celui du pasteur Schwartz (dit Nigri), pasteur à Saint-Pierre-le-Vieux, pendant le temps où Bucer exerçait son ministère à Sainte-Aurélie. C’est Schwartz qui est à l’origine de la première liturgie protestante de Strasbourg en langue allemande,
– un impressionnant coffre-fort avec une porte en fer forgé.

 

Divers

Dans le fond de l’église se trouve encore un vieux tronc pour les offrandes, et l’on peut voir également deux effigies de Martin Bucer.

Sur les piliers d’une porte extérieure, les noms de certains anciens sacristains de Sainte-Aurélie sont gravés dans la pierre.

Annexe : Consultez également la page wikipedia

L’orgue

Le premier orgue, datant de 1601, était de Dietrich Wagner.

En 1644, Johann Jacob Baldner y ajoute un jeu de pédalier. L’instrument est inauguré en 1645.
De ce premier orgue, il ne reste plus rien aujourd’hui.

En 1718, Andreas Silbermann termine un nouvel orgue (2 claviers, pédalier et 17 jeux)

Tout en haut de l’orgue, on peut lire : « Lobet den Herren mit Harfen und Psalmen ».
L’orgue est couronné du triangle rayonnant dans lequel se trouve l’œil de Dieu, symbole de Dieu qui est trois en un, symbole de la Trinité.

En 1766, l’orgue, complété par le fils d’Andreas Silbermann, Johann Andreas, est remonté dans la nouvelle église.

Pour adapter le buffet au nouveau mobilier, il a été peint en blanc et or en 1790 (cette date est mentionnée derrière le couronnement de la tourelle centrale du grand-orgue).

De 1865 à 1870, il est réparé par les frères Wetzel.

En 1911, la maison Dalstein-Haerpfert a transformé profondément l’instrument.

En 1952, les établissements Mulheisen ont restauré l’instrument et l’ont agrandi (52 jeux, 3 claviers et pédalier).
Les deux façades Silbermann ont été réutilisées, ainsi que les 7 jeux rescapés de Silbermann. (Montre 8’, deux jeux de Bourdon 8’, Prestant 4’, Quinte 2’2/3, Doublet-te 2’, Cornet V)

L’Association des Amis de l’Orgue Sainte-Aurélie, créée en 1998, avec pour objet la restauration de l’instrument, se consacre maintenant au rayonnement de celui-ci et de la vie musicale dans le lieu Sainte-Aurélie.

L’association : http://sainte-aurélie.fr/lassociation/

Les concerts récents ou en cours : http://sainte-aurélie.fr/category/concerts/

Martin Bucer

 

 

 

Martin Kuhhorn, dit Bucer, est né à Sélestat le 11 novembre 1491, dans une famille de tonneliers.
Très jeune, il est attiré par les livres, et c’est l’une des raisons qui le fait entrer au couvent des Dominicains de Sélestat, à l’âge de 15 ans. C’est là qu’il prend connaissance des écrits d’Erasme de Rotterdam, et se rend compte que «  l’Eglise est bien malade ! ».
En 1512, il est envoyé au couvent des Dominicains de Heidelberg.
A partir de là commence une longue carrière de voyageur ! (A raison d’environ 10 km par jour, il a, par exemple, parcouru jusqu’à 1600 km en 1535…).
Ordonné prêtre à Mayence, c’est à Heidelberg qu’il se prépare au doctorat en théologie, et qu’il rencontre Martin Luther. Cette rencontre est décisive pour la suite de son parcours.
En 1522, il est délié de ses vœux monastiques. Il décide d’être pasteur, et commence par épouser une nonne, Elisabeth Silbereisen.
De retour en Alsace, il prêche la Réforme à Wissembourg, et se fait excommunier.
Très vite, il devient le meneur du courant réformateur à Strasbourg, et en 1524, à la demande des jardiniers-maraîchers du quartier, il est élu pasteur de la paroisse Sainte-Aurélie.
En 1525, malgré ses efforts en faveur de la paix, il assiste, impuissant, à la Guerre des Paysans.
En 1529, Strasbourg devient protestante.
La même année, Bucer prend part au Colloque de Marbourg, où il essaie de faire l’unité entre Martin Luther et le réformateur suisse Zwingli à propos de la Sainte-Cène. Peine perdue !
En effet, plusieurs thèses s’affrontaient à l’époque :
– le catholicisme affirmait très fortement la présence réelle du Christ dans la Cène, et l’on assistait à certains débordements (l’hostie qui tombait par terre…). La communion pouvait avoir lieu tous les jours, et risquait donc la banalisation.
– les partisans de Zwingli, par opposition à un sacramentalisme outré, réduisaient la célébration de la Sainte Cène à une fois par an, le jeudi soir avant Pâques. Elle devenait en quelque sorte un Souvenir du Repas.
– les partisans de Luther pensaient que la transsubstantiation s’opérait uniquement par la foi. La communion avait lieu environ une fois par mois, et plus tard, chaque dimanche.

En 1530, Bucer devient pasteur de la paroisse de Saint-Thomas.
A partir de là, il va s’employer à réorganiser l’Eglise strasbourgeoise, aidé par le Magistrat de la ville. En 1538, il participe à la création de la « Haute Ecole », le Gymnase, dont Jean Sturm sera le premier recteur.
En 1545 s’ouvre le Concile de Trente.
En 1546-47, les troupes protestantes de la Ligue de Smalkalde sont défaites par l’armée de Charles Quint. L’Eglise catholique est réhabilitée à Strasbourg, et l’empereur exige que Bucer accepte que la messe soit dite dans la ville.
Bucer refuse à nouveau. En avril 1549, il quitte Strasbourg, après 25 ans de pastorat, pour s’exiler en Angleterre. Le roi Edouard VI, acquis aux idées de la Réforme, lui confie une chaire à Cambridge. Mais la santé de Bucer se dégrade, et le mal du pays le ronge…
Il meurt le 28 février 1551, deux ans à peine après son départ de Strasbourg.

Cinq ans après sa mort, la très catholique Marie Tudor, dite la Sanglante, fait déterrer son corps et après un procès pour hérésie, ordonne de brûler ses restes et de jeter les cendres dans la Tamise.
Quatre ans plus tard, Elisabeth 1ère, acquise à la Réforme, réhabilitera sa mémoire.

Martin Bucer, qui a toujours voulu sauvegarder l’unité du Christianisme, apparaît avant tout comme un conciliateur (on lui a souvent reproché son manque de prise de positions nettes).
Il a parfois été appelé le « premier oecuméniste », ainsi que le « père de la confirmation » qu’il a instituée pendant son ministère à la paroisse Saint-Thomas.

Homme de contact, en recherche de dialogue, il a fréquenté Martin Luther, Zwingli, Calvin, Melanchton et tant d’autres…
Sa devise était : « Mihi patria coelum » (Ma patrie, c’est le ciel).

 

Le Pélican comme symbole

une étude du pasteur Max Périer.

 

Le Pélican-symbole chrétien au Moyen-âge

Durant dix ans, de 1947 à 1956, en prêchant du haut de la chaire de Sainte-Aurélie, cela m’a souvent intrigué de me trouver sur le dos d’un pélican. A la retraite, je me suis reposé des questions et me suis mis en quête d’informations. Je me suis laissé convaincre par le pasteur Arbogast que le résultat de mes recherches pourrait intéresser les Auréliens d’aujourd’hui.

Dans l’ « Iconographie de l’Art Chrétien » (Louis Réau 1955) nous lisons :
«  De même que la licorne est le symbole de l’Incarnation et de la Charité, le pélican est devenu l’emblème de la Rédemption et de la Charité. On lisait dans les Bestiaires de l’Antiquité que le pélican s’ouvre la poitrine à coups de bec pour nourrir ses petits affamés : tel Jésus sur la Croix donnant son sang pour racheter l’humanité déchue. D’après une autre version, calquée sur la légende du lion, la femelle du pélican ressuscite avec le sang de son cœur ses petits, tués par le mâle. »
La réalité est plus prosaïque : le pélican, lorsqu’il va à la pêche, emmagasine les poissons qu’il happe dans la poche membraneuse qui lui pend au cou, et, pour nourrir ses petits, il vide cette poche en pressant son bec contre sa poitrine. De là vient la légende populaire qui a valu au pélican l’honneur immérité d’être considéré comme le martyr du dévouement paternel et l’image du sacrifice de Jésus. La comparaison de Jésus sur la Croix avec le pélican est tirée d’un passage du psaume 102, 7:
«  Je ressemble au pélican du désert ». C’est pourquoi, dans un vitrail théologique de la cathédrale du Mans, le pélican, qui fait son nid sur l’arbre de la Croix, est accompagné du roi David, auquel on attribue les Psaumes.
Les théologiens du Moyen-âge ont développé la comparaison esquissée par le psalmiste. Thomas d’Aquin qualifie le pélican de «  Pius Pelicanus ». Il invoque dans un de ses hymnes le divin Pélican qui donne son sang purificateur pour laver les péchés des hommes. Cette mystique n’est pas moins familière aux laïcs : Dante appelle le Christ « Notre Pélican » (Paradis XXXV)
On lit dans le Credo de Joinville :
«  David dit au Psautier que le fils de Dieu sera semblable au pélican qui se perce le côté et se tue pour raviver ses poussins ».
Mais le thème est susceptible d’une autre interprétation. Dans le sermon pascal du « Speculum Ecclesiae » d’Honorius d’Autun, ce n’est plus le Christ en croix qui est symbolisé par le pélican, mais Dieu le Père qui aima les hommes jusqu’à leur livrer son Fils unique, qu’il ressuscita le troisième jour. Il est comparé au pélican qui aime ses petits au point de les étouffer. Dans sa douleur, il s’ouvre la poitrine et, laissant tomber sur leurs corps les gouttes de son sang, il les fait revivre à la vie.
Ainsi, le pélican prête à un double symbole : tantôt il est conçu comme l’image du Christ qui se laisse crucifier et donne son sang pour racheter l’humanité, tantôt comme l’image de Dieu le Père qui sacrifie son Fils et le ressuscite trois jours après sa mort. Le symbole de la Résurrection se substitue à celui de la Crucifixion.
Dans l’art du Moyen-âge, le pélican s’ouvrant la poitrine est presque toujours l’image de Jésus crucifié. C’est pourquoi il est représenté perché au sommet de la croix, au-dessus de la planchette du « Titulus ». Parfois, il y fait son nid. Il se frappe du bec le flanc droit, du côté où le Christ a reçu le coup de lance. Ses petits sont, comme les lionceaux ressuscités par le rugissement de leur père, au nombre de trois.
Les exemples sont particulièrement nombreux dans la peinture italienne du 14ème siècle, qui s’inspire de la prédication des Ordres mendiants. Au 15ème siècle, le pélican est souvent sculpté sur la porte du tabernacle. Le pélican qu’on voit sur la frise christologique de la cathédrale de Strasbourg, date du 13ème siècle.

Le pélican – symbole depuis l’Antiquité :

Des archéologues ont trouvé des reproductions du pélican en Mésopotamie. Elles remontent à plusieurs millénaires avant Jésus-Christ. Les chercheurs pensent que cet animal servait comme offrande lors des sacrifices à des divinités. D’autres exemples se trouvent dans le tombeau de Haremhab, à Thèbes, en Egypte. Ils datent du 14ème siècle avant Jésus-Christ. Aristote et Pline l’Ancien, ainsi que Physiologus sont les précurseurs du mythe qui trouve son apogée au Moyen-âge. Mentionnons encore que dans la Franc-maçonnerie du rite écossais, le pélican est le symbole du 18ème degré de la disponibilité au sacrifice. Et les alchimistes utilisaient le pélican dans leur langage symbolique comme image de la «  pierre des sages ».

Le pélican à l’époque du Baroque :

Les renseignements qui précèdent, si intéressants soient-ils, ne répondirent pas à ma question initiale : « Comment se fait-il que ce symbole du pélican se trouve dans les églises luthériennes de Strasbourg ? »
Le pélican sur son nid constitue le pied de la chaire de Saint-Guillaume, datant du 17ème siècle, et de celle de Sainte-Aurélie qui a été réalisée en même temps que l’autel en 1670 à l’occasion de la rénovation de l’église ancienne. Le nouveau sanctuaire, construit dans le style Louis XV, ne date que de 1765. Je me suis dit qu’il devait y avoir des liens avec la Bavière, haut lieu du Baroque. Peut-être que le nom de l’architecte de 1670 donnerait une indication. Mais son nom n’a pu être retrouvé, pas plus que celui d’un architecte en 1765. De 1670, on connaît le nom du Schreinermeister Hans Jakob Wildmann, qui avait facturé 60 Gulden et le Bildschnitzer (82 Gulden, 5 Sch). Pour la nouvelle bâtisse de 1765, on connaît les Zimmermeister, Maurermeister, Hufschmiede, Nagelschmiede, Bildhauer, Maler, Pflästerer, mais pas d’architecte !
Je me suis plongé dans la littérature spécialisée du Baroque en Bavière, sans trouver de réponse à ma question, si ce n’est que les pélicans y sont légion, tout comme les catholiques-romains y sont bien plus nombreux que les protestants !
La question reste donc ouverte, mais l’idée qu’il doit y avoir un lien ne me quitte pas ; pas plus que la pensée que j’ai prêché durant une décennie «  sur le dos » d’un symbole. Celui-ci doit avoir un sens qui dépassait les frontières, jadis bien établies, entre Etats et Confessions.

L’origine du nom de l’église Sainte-Aurélie

« Aucune source valable ne permet de fixer l’époque (romaine ou mérovingienne) de sa vie. Son tombeau situé dans la crypte de l’église portant son nom attirait au Moyen-âge de nombreux pèlerins. » (Encyclopédie d’Alsace I, 422)

Bien qu’on ne sache rien de précis sur sa vie, la légende a fait de sainte Aurélie une compagne de sainte Ursule.

La légende de sainte Ursule :
En 383, le général romain Maximus, auteur d’un soulèvement en Grande Bretagne, est passé avec son armée en Gaule, où il a écrasé son rival Gratien et s’est proclamé empereur. Comme il devait sa victoire principalement au courage des soldats bretons, il leur a fait don de terres fertiles dans le Nord de la Gaule, après en avoir chassé les habitants. Pour repeupler et mettre en valeur cette région, le chef de la légion de Bretagne a envoyé une délégation dans sa patrie pour demander au roi de faire venir des femmes pour ses soldats. Lui-même a brigué la main de la fille du roi, Ursule, qui se distinguait par sa beauté, son intelligence et sa piété. Le roi de Bretagne ayant accepté, un grand nombre de jeunes filles a été choisi et rassemblé, afin d’être transportées en Gaule.
Mais lors de la traversée, une violente tempête a déporté les navires vers les Pays-Bas. Ursule et ses compagnes ont alors remonté le Rhin jusqu’à Cologne. Là, elles sont tombées sur une armée de Huns qui se sont précipités sur les jeunes filles. Ursule a exhorté ses compagnes au courage : mieux valait mourir que de renier sa foi et de perdre son innocence. Mis en fureur par leur résistance, les Huns les ont transpercées de flèches. Elles sont ainsi entrées au ciel comme vierges et martyres au nombre de onze mille. (onze seulement d’après une autre tradition !)
La légende a beaucoup brodé autour de cette histoire, le culte de sainte Ursule et de ses compagnes étant particulièrement populaire. C’est ainsi que, selon une autre tradition, toute cette caravane féminine serait d’abord partie en pèlerinage à Rome, et ce n’est qu’au retour qu’elle aurait été martyrisée à Cologne. Ce détail est important, car c’est là que la légende de sainte Aurélie se greffe sur celle de sainte Ursule.

La légende de sainte Aurélie :
Compagne de sainte Ursule, sainte Aurélie l’aurait accompagnée dans ce pèlerinage.
Mais, au retour de Rome, la jeune fille aurait été atteinte d’une forte fièvre. Cela se serait passé à Bâle. Trois autres jeunes femmes seraient restées avec elle : Einbette, Worbette et Wilbette. Ensemble, elles auraient descendu le Rhin, mais Aurélie, trop malade, dut être ramenée à terre à la hauteur de Strasbourg, ville où elle mourut un 15 octobre.
Elle a probablement été enterrée à l’extérieur de la ville, dans un quartier bucolique, peut-être à Koenigshoffen, près du château d’Adalberg, le frère de sainte Odile.
Cette légende est très tardive (11ème ou 12ème siècle) et historiquement rien ne permet d’affirmer qu’Aurélie ait été une compagne de sainte Ursule : son nom, en effet, a une consonance romane, et signifie : « éblouissante comme l’or » ou : « la Dorée », «  S’Goldele ».(du latin aureus, or)

Quoiqu’il en soit, historiquement parlant, le culte de sainte Aurélie est extrêmement ancien dans notre région :
– il est attesté que l’Irlandais saint Colomban, abbé de Luxeuil, (mort en 605), passant par Strasbourg, y a pris des reliques de la sainte pour les déposer dans une église de Bregenz en Autriche, près du lac de Constance.

– la tombe de sainte Aurélie était un lieu de pèlerinage très fréquenté. Le culte y est attesté depuis le 7ème siècle, et en 801, ses restes furent ramenés à l’endroit de l’actuelle église Sainte-Aurélie, où l’on construisit une chapelle.

– le nom et le jour de la naissance au ciel de la sainte figurent dans le Martyrologue du diocèse de Strasbourg dès le 9ème siècle.

Sainte Aurélie était fêtée le 15 octobre.

 


Les pasteurs de la paroisse Sainte-Aurélie depuis 1709

Johann-Jakob EHRLEN 1709-1730
Julius-Fridericus WILD 1730-1754
Johann-Konrad CHRISTEN 1754-1757
Johann-Michel EBERLIN 1757-1760
Johann-Daniel KOLB 1760-1766
Paul-Friederich SCHÜBLER 1766-1780
Johann HERRENSCHNEIDER 1780-1800
Johann BEIN 1800-1823
Christian-Karl GAMBS 1814-1822
Christian-Théophile KOPP 1823-1836
Auguste-Guillaume SCHMIDT 1836-1871
Auguste KROMAIER 1872-1896
Emile SCHWEITZER 1897-1915
Arnold JAEGER 1898-1922
Fernand MENEGOZ 1915-1919
Christian BRANDT 1920-1960
Paul UHLHORN 1927-1939
Max PERIER 1947-1956
Gérard HORN 1957-1982
Gaston VASSAS 1961-1963
Théo MARY 1963-1975
Michel HOEFFEL 1984-1987
Jean ARBOGAST 1987-2001
Marion MULLER 2001-2002
Danielle SILBERZAHN 2002-2011

Petra MAGNE DE LA CROIX 2012 –